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petitponet
2 août 2006

Des bombes ? Non, la fête nationale !

imageshier, les suisses fétaient la poignée de mains, il ya 715 ans des trois baillis qui, en fédérant leurs trois valées, fondèrent l'ébauche de la confédération, sur la plaine du Grütli, dans ce que l'on appelle encore aujourd'hui la Suisse primitive. De mon lit, j'ai entendu les feux d'artifices dont les suisses rafolent tant. Impossible alors de ne pas penser à ceux pour qui ces grondements sourds sont synonymes de mort et de destructions. Je me suis alors souvenu de ce patient que j'ai soigné récemment. Il avait environ 80 ans et était originaire du Kosovo, ou d'Albanie. Il parlait très mal le français, mais le comprenait un peu. Ce soir là, il avait l'air tout perdu au fond de son lit lorsqu'un feu d'artifice a débuté, non loin de là. Lui, de son lit, ne pouvait qu'entendre leur grondement, et à chaque fois, il sursautait, et regardait apeuré tout autour de lui, l'air vraiment affolé. Je crois que s'il avait pu, il aurait sauté sous son lit. Je lui ai alors expliqué tant bien que mal qu'il s'agissait d'une fête, et non des bombes. J'ai vu dans son regard qu'il comprenait ce que je lui disait, mais que son corps, probablement habitué à devoir fuir sous les bombes, lui, ne voulait rien entendre. Je l'ai alors aidé à se lever, non sans mal, car il résistait tant qu'il pouvait, pour l'emmener à la fenêtre, d'ou l'on pouvait voir les belles fleurs lumineuses se dessiner dans le ciel. S'était probablement la première fois qu'il assistait au spectacle, et le voir, lui, le vieilard de 80 ans, ces yeux pleins d'un bonheur d'enfant, frappant dans ces mains, tout en sursautant en regardant partout à chaque explosion, était rééllement émouvant. Ces voisins de chambrée, tout à leur indifférence, ne levaient pas la tête de leur journal. Ce soir là, j'ai mesuré tout ce qu'avait pu vivre ce vieil homme, et toute l'horreur que doit subir un être humain devant un bombardement, pour que des années plus tard, le seul son d'un feu d'artifice puisse engendrer chez lui ce comportement incontrôlable.

Le 31 au soir, j'abusais de la bière dans un pub du centre ville, en regardant sournoisement des gens essayer d'allumer des centaines de bougies sous l'orage. Un Suisse, devant mes moqueries, m'a alors expliqué qu'il s'agissait d'un artiste qui voulait illuminer la ville avec autant de bougies qu'il y a d'habitants : 120 000. J'ai alors engagé la conversation avec ce monsieur, qui, très vite, c'est mis à m'expliquer que le centre ville était en train de devenir " pire que les banlieues françaises avec tous ces noirs et ces yougos". Malgré l'immonde horreur de ces paroles, je n'ai pas pu m'empêcher d'éclater de rire. Le fait de l'imaginer à Mantes-la-Jolie avec son tee-shirt frappé de la croix blanche sur fond rouge et son accent vaudois m'a rendu hillare. Une fois passé mon fou rire, je lui ai rétorqué, que puisqu'il n'aimait pas les étrangers, il fallait qu'il aille éteindre 33% des bougies artistiquement posées sur le bitume face à nous. Il a eu l'air piqué, et moi, je suis allé picoler plus loin. La haine raciale, même dans la plus paisible des villes du plus paisibles des pays d'europe, est bien accrochée aux mentalités.


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