lettre a Charly.
Ce dernier post avant mon départ est dédié a Charly, le collègue de Nico, que je connais très peu, mais qui m'a touché. Ce matin, nous avons pris le café ensemble sur la terrasse de notre maison de Rivière-Salée. J'ai ressenti le désarroi et l'amertume dans ses paroles. Et je le comprend. Lui qui milite, lui qui veut que les choses changent, lui qui ne veut que le meilleur pour son pays, voit que le pouvoir reste toujours entre les même mains, pas toujours très propres.
J'espère que ce message, Charly, vas te redonner un peu d'espoir.
Tes frères, Charly, ne son pas tombés pour rien. Tu le sait mieux que personne, mais je ressent le besoin de te le dire.
Je suis arrivé ici il y a 5 mois, poussé par un rêve de gosse, de partir loin de chez moi, à la découverte, à l'aventure. Ces 5 mois passé ici ont changé mon regard, même si je n'ai fait qu'effleurer les choses.
Ton pays va connaitre dans les prochaines années de grands bouleversements, et j'ai entendu les questions, parfois celles qui dérangent. Cet avenir, il est entre nos mains, nous les jeunes. Toi ici, moi là-bas.
Je vais reproduire ici les propos d'un vieux au centre culturel Tjibaou, qui de colère et d'amertume mélée a conclu la visite du chemin Kanak en ces termes :
" Nous avons parcouru ce chemin avec vous, jusqu'ici, devant le centre Tjibaou, symbole pour nous de la renaissance de la culture Kanak. Vous êtes là, nous ne l'avons pas choisi, mais le fait est que nous devons désormais vivre avec vous. Nous avons parcouru ce chemin vers vous pour vous dire qu'avant votre arrivée, nous existions déjà, que notre culture existait déjà. A vous, maintenant, de parcourir le chemin dans l'autre sens, pour aller vers nous."
Je me trompe peut-être dans l'interprétation de ces propos, mais j'ai ressenti le même desespoir que j'ai ressenti avec toi ce matin. Le desespoir du vieux militant qui s'est battu dans sa jeunesse et qui ne voit pas les choses bouger.
Je suis venu ici, et j'en ressort changé a jamais. Changé par ces mots, reçus en pleine face, mais aussi changé par les regards, les rencontres avec les gens des tribus, ou ici, a Nouméa, avec les patients que j'ai soigné. Cela je ne l'oublierai pas, Charly, et c'est là ce que je vais ramener en France. C'est une victoire, bien mince, je te l'accorde, mais n'est ce pas les petits ruisseaux qui forment les grandes rivières?
Je sait désormais la beauté de ton pays et de sa culture. Je sait aussi les spoliations, le piétinement de ta culture, les vexations, les privations. Je sait le massacre de la grotte d'Ouvéa, les executions sommaires faites par l'armée française dans les années 1980. Je sait aussi que dans le regard de ces enfants qui jouent dans l'eau a Maré, il y a une demande de reconnaissance, et l'espoir de grandir en paix.
C'est tout cela que je ramène avec moi.
Tata Charly, et à très bientôt.
" Hasta la Victoria, Siempre..."